Etty

Texte
Elisabeth Ventura
Mise en scène et scénographie
Fabian Chappuis
Direction musicale
Emilie Rault


Création

Projet accompagné par le dispositif Adami déclencheur

Inspiré de la vie de Etty Hillesum (1914-1943)

 

Etty Hillesum aurait presque pu être la grande soeur d’Anne Frank. Elle laisse derrière elle un des plus bouleversants témoignages sur l’invasion nazie et les camps de transit aux Pays Bas. Elle parvient à montrer l’horreur tout en construisant des remparts contre la haine.

Etty est l’histoire d’une vocation, d’une vie fulgurante au service des autres, une héroïne lumineuse.

Lecture / maquette

réservée aux professionnel.le.s

Lundi 28 avril 2025 à 11h
SACD - auditorium

7 rue Ballu - 75009 Paris
Métro : Place de Clichy (2,13), Liège (13) ou Blanche (2)

Avec

Laurent d’Olce, Han, Kormann

Jochen Hägele, Spier

Stéphanie Labbé, Tide

Benjamin Penamaria, Max, Jopie

Mathieu Spinosi, Membre du conseil juif, Mischa le frère d’Etty

Elisabeth Ventura, Etty

Résumé

Les nazis sont aux portes de la Hollande. Etty Hillesum est une jeune étudiante juive, elle est libre, irréverencieuse et aussi un peu perdue. Elle pousse la porte du cabinet de psychanalyste du charismatique Docteur Spier dont elle tombe immédiatement amoureuse. Grâce à lui, elle va enfin comprendre sa vocation : écrire et témoigner. Entre le cabinet de psychanalyse et les soirées musicales clandestines, la personnalité d’Etty se déploie de manière fulgurante. Mais l’étau nazi se resserre : alors qu’Etty est sur les listes de déportation, ses amis lui font gagner un peu du temps en la faisant entrer au Conseil Juif, véritable panier de crabes au service de la Gestapo. Elle accepte, à condition d’y entrer comme une « infiltrée » . Elle demande à être immédiatement transférée dans un camp de transit pour aider les plus faibles. Le camp de Westerbork lui révèle sa propre force : elle y noue des liens profonds d’amitié, et travaille sans relâche à soulager les déportés. De là-bas, elle envoie des lettres clandestines via un réseau de résistance, et fait comprendre au monde ce qui se passe réellement dans les camps.

Ces lettres d’Etty Hillesum constituent les premiers témoignages des horreurs nazies.

Note d'intention de l'autrice

Anne Franck écrivait son journal, cachée dans l’Annexe, pendant qu’Etty écrivait le sien sur le sol boueux du camp de Westerbork. Une petite fille d’un côté, une jeune femme de l’autre. Etty est une nouvelle figure de la Shoah et elle s’est tout de suite présentée à moi comme une héroïne. Un peu à la manière de La vie est belle de Roberto Benigni, Etty
parvient à montrer l’horreur nazie tout en avançant dans la lumière. Elle est drôle, fine, percutante et poétique. Son humanité rend son témoignage bouleversant. Elle n’a qu’une seule ligne de  conduite, construire des remparts contre la
haine.

J’ai la sensation qu’aujourd’hui on ne sait plus quelle posture adopter dans un monde de plus en plus chaotique. La réalité, quand elle est trop noire, semble être constamment tenue à distance. Lors de la pandémie, j’ai été frappée par la manière dont la société a traité la question de la mort. Aujourd’hui je m’interroge sur la manière dont elle traite celle de
la guerre. Comment parler du pire avec intelligence ? Comment appréhender la barbarie avec hauteur et philosophie ?


Où sont nos modèles ? Peut-être qu’il est trop difficile de raisonner notre peur initiale, mais nous pouvons apprendre à la penser, à la réfléchir, à la représenter.

Etty a vécu l’enfer, elle en témoigne avec amour et parfois même, j’oserais le dire, avec humour. "La vie est belle en dépit de tout" nous répète t-elle  inlassablement. C’est la manière dont on choisit de vivre les évènements qui circonscrit notre liberté. Tous les personnages réels de son journal ont pris forme devant moi pour redonner corps à sa vision du monde.
J’ai pensé cette pièce sur les dernières années d’Etty comme une ode à la vie. La joie y tient une place fondamentale

La crédulité face la guerre, la montée des barbaries
On dit souvent que ce sont les « optimistes » qui ont été tués, et que les « pessimistes » se sont enfuis et ont réussi à survivre. Au moment de l’invasion allemande, les juifs hollandais ont clairement fait partie des optimistes et la solution finale y a été appliquée comme nulle part ailleurs. Ils n’ont pas cru que la guerre allait durer, ils n’ont pas cru à la férocité nazie ni à la déportation. Maintenir coûte que coûte l’espoir d’une issue positive est une forme complexe d’instinct de survie : c’est autour de cet instinct que j’ai construit la prise de conscience progressive d’Etty. Mais à quel moment décide-t-on de résister et comment ?

Les questions du bien et du mal
L’administration hollandaise a très vite mis en place un Conseil juif au service de la Gestapo. Les juifs s’occupent de la  déportation des autres juifs, et encadrent les camps de transit. Dans un système hiérarchisé à l’extrême, les juifs dits « juifs nazis » bénéficient de passe-droits et sont inscrits sur des « listes » sensées les protéger. Ils finiront par être eux aussi déportés puis assassinés. Est-on coupable de se protéger soi et de protéger les siens ? Où sont les bourreaux ? Comment rester quelqu’un de bien au milieu de la barbarie ? Est-ce possible ?

La naissance d’une écrivaine
L’histoire d’Etty est celle d’une vocation qui se rencontre enfin. L’écriture thérapeutique que lui impose le docteur Spier va presque malgré elle devenir sa voie. Jamais son style ne se départira de son humour ni de son sens du décalage, et il creusera toujours plus profondément le sillage de la poésie pure. Son témoignage, qui a noirci les quelques milliers de pages de ses carnets, fait d’elle aujourd’hui une des plus inspirantes autrices de l’intime.

Une héroïne de l’humain
Au fil de ses pages, Etty se transcende dans une spiritualité qui n’a pas de religion, à part peut-être celle de l’altérité. Humblement, consciemment, elle crée du lien entre les êtres et brave la  déshumanisation du camp. L’amitié tient une place centrale dans la pièce. Elle est à la fois un refuge et une source de joie inaltérable. Ses amis d’Amsterdam  assisteront à sa métamorphose, ceux du camp de Westerbork la soutiendront dans son dévouement. Car les deux spatialités sont aussi deux temporalités : à  Amsterdam, Etty se débat avec elle-même, oscille et grandit, tandis qu’à Westerbork elle s’ancre dans sa mission et se met au service des autres. Westerbork transcende Amsterdam, et Etty nait véritablement à elle-même dans la poussière du camp. C’est ce parcours de vie fulgurant que j’ai souhaité retracer.

Note d'intention du metteur en scène

Il y a dans l’écriture d’Élisabeth Ventura quelque chose de très cinématographique. Les scènes sont courtes, fluides, l’autrice procède par touches, sensations, images et déploie un fil dramaturgique qui semble en un premier temps nous échapper et qui, malgré tout, nous tient en haleine et nous touche
profondément. Elle créé ainsi une tendre distance avec son personnage, nous livre des éléments sans rien nous révéler de son intimité profonde.
Au fur et à mesure du texte, cette distance devient plus fine et le portrait d’Etty Hillesum de plus en plus lumineux, sans toutefois lever tous les mystères. Bien entendu, il s’agit ici de destin et de liberté. Mais ce qui me touche beaucoup dans le portait que dessine Elisabeth Ventura est que ce destin n’apparait
pas tout de suite à Etty Hillesum. Elle le choisit plus qu’elle ne se fait saisir par lui, et cet engagement emporte le spectateur avec elle.

La pièce se déroule dans deux lieux. Amsterdam, où l’on découvre la jeune femme dans son quotidien, avec comme toile de fond la montée du nazisme aux Pays Bas. C’est le lieu de la prise de conscience d’Etty Hillesum, de la nécessité de son combat, de sa mission, du sens de son existence.
Le camp de Westerbork sera le lieu de la réalisation de cette mission.

Pour Amsterdam, j’imagine une mise en scène très rythmée, vivante, fluide, une course contre la montre, un instinct de (sur)vie, une mise à distance de l’horreur et l’étau de la mort qui se resserre et qui pourtant agit comme une prise de conscience et une libération. Je vois une Etty Hillesum volontaire, insaisissable, prisonnière d’une existence qu’elle ne comprend pas encore complètement. L’espace sera contraint, cloisonné, des murs contre lesquels le personnage viendrait se percuter. Un décor mobile, en  mouvement permanent qui suggèrera tous les lieux traversés par le personnage mais qui se fera de plus en plus étroit. Les spectateurs, tenus un peu à distance, assisteront au parcours d’Etty
Hillesum mais sans jamais vraiment être dans le même espace qu’elle.

Dans le camp de Westerbork, l’horizon, étonnamment, deviendra plus vaste. Une immensité qui  englobera aussi les spectateurs. Pour la fête d’Hanoucca, je rêve d’un ciel étoilé qui apparaitra sur la scène mais aussi dans la salle. La proximité avec le personnage se fera plus intime. Le public aura la sensation de partager à la fois le même espace physique qu’Etty Hillesum, mais aussi une partie de son intimité.
Si Amsterdam raconte les soirées secrètes, le conseil juif, les tentatives d’échapper à l’horreur qui s’annonce et une Etty Hillesum qui cherche à se frayer un chemin à travers la ville et la vie, Westerbork nous plongera à l’intérieur de la jeune femme, dans sa foi pour la vie et l’humain. L’espace plus illustratif du début s’ouvrira vers à un espace émotionnel.

La partition musicale sera prise en charge par les comédiens sous la direction de Emilie Rault.