Qui n’a jamais rêvé de disparaître, ne serait-ce qu’un instant ? De s’évaporer ? De tout quitter pour échapper à une identité et à ce que les autres y projettent ?
A partir de la disparition volontaire d'une jeune femme, Rébecca Déraspe explore les multiples visages de nos enfermements. Tramant différentes approches dramaturgiques, avec beaucoup d'humour et d'émotion, elle déconstruit les mécanismes familiaux, sociaux et culturels qui façonnent les individus au point de les perdre dans des identités fabriquées par d'autres.
Un oratorio qui célèbre l’unicité de chaque être, son mystère et sa singularité.
Rébecca Déraspe
Rébecca Déraspe a complété le programme d’écriture dramatique de l’École Nationale de Théâtre du Canada en mai 2010. Elle est l’autrice de plusieurs pièces jouées et traduites à travers le monde dont Deux ans de votre vie, Plus que toi, Peau d’ours, Gamètes, Nino, Je suis William, Le merveilleux voyage de Réal de Montréal, Partout ailleurs, Nos petits doigts, Faire la leçon, Ceux qui se sont évaporés, Fanny. Elle est aussi autrice en résidence au Théâtre la Licorne. Elle a remporté le prix Michel-Tremblay en 2020 pour sa pièce Ceux qui se sont évaporés, le prix de la critique « meilleur spectacle jeune public 2018 » et le prix Louise-Lahaye pour sa pièce Je suis William, meilleur texte dramatique Montréal 2017 pour sa pièce Gamètes, le prix BMO auteur dramatique 2010 pour sa pièce Deux ans de votre vie. Elle travaille actuellement à l’écriture (en collaboration avec Annick Lefebvre) de la pièce Les filles du Saint-Laurent qui sera présentée au Théâtre de La Colline en novembre 2021. Sa pièce Fanny sera créée à la Comédie de Reims et à Théâtre Ouvert en 2021-2022 par la O’Brother Company, dans une mise en scène de Rémy Barché. Le texte a par ailleurs reçu l’aide à la création ARTCENA. Elle anime et écrit Le lexique de la polémique, série diffusée à Savoir Média.
Note d'intention
Une langue organique
La pièce est construite comme un kaléidoscope, où l’on traverse les événements marquants de la vie d’Emma, la préparation de son évasion puis son absence. Rébecca Déraspe multiplie les points de vue, temporalités, mais aussi les formes narratives (slam, ellipses, répétitions, suspension, noms transformés en verbes, monologues, dialogues, chants, textes écrits, témoignages…) pour remonter le fil de l’histoire d’Emma. C’est par touches, sensations que nous reconstituons le puzzle de cette disparition et de ses répercussions. Les personnages, à la fois acteurs, spectateurs et narrateurs composent un d’oratorio sans musique, dans une langue libre, surprenante, organique et qui offre au spectateur une grande liberté.
Au-delà de l’intime, un portrait sans concession de notre époque
Sur la page de son texte qui présente ses personnages, Rébecca Déraspe décrit « Il y a la mère, le père, le conjoint, les amis, les autres. Ceux qui font en sorte que Emma se constitue en tant qu’Emma. »
Dès le début, le drame personnel est annoncé : à force de vouloir être ce que son environnement attend / espère / projette, Emma se perd dans des identités fabriquées par d’autres pour elle. Elle devient un être universel, un réceptacle à valeurs sociales et familiales : une fille reconnaissante, une femme moderne, une épouse attentionnée, une mère attentive, une infirmière dévouée… En quelque sorte une personne bien comme il faut, mais dépossédé de son mystère.
Chaque renonciation à une partie de soi-même est une forme de disparition. La disparition physique d’Emma n’est que la conséquence de son essence qui s’est évaporée, à force de renoncements et d’effacements successifs.
A travers son quotidien et celui sa famille, l’autrice traque ces instants de renonciation.
Elle ne porte aucun jugement sur la radicalité de la décision d’Emma, mais ne tait rien non plus du deuil de celles et ceux qui restent. Derrière le drame intime et familial, c’est bien notre « ultra moderne » société contemporaine qui se dessine, qui formate les êtres, laisse peu de place à leur mystère et finalement enfante des fantômes.
Une pièce d’une infinie tendresse
Rébecca Déraspe a une infinie tendresse pour ses personnages. Il y a une bienveillance qui traverse l’ensemble de la pièce. Elle orchestre un ballet de solitaires qui œuvrent à leur survie en composant comme ils peuvent avec leur histoire et le monde qui les entoure.
Elle devient par contre redoutable et souvent irrésistiblement drôle lorsqu’elle universalise les figures qui ponctuent et conditionnent nos vies. Elle donne chair et corps aux réseaux sociaux, au « milieu de travail », à « l’amie de classe moyenne ayant grandie », à « la dame qui sait » ou encore à « l’ami d’un ami qui a déjà pris une bière dans le même bar que Emma »… Elle constitue ainsi un chœur de la rumeur publique aux multiples voix et aux conséquences souvent redoutables.
Elle est tendre avec ce que chacun est individuellement, mais redoutable avec ce que nous produisons collectivement.
Un drame qui prend souvent des airs de comédie
Rébecca Déraspe porte un regard décalé sur nos habitudes quotidiennes, nos névroses, nos rituels familiaux, nos incompréhensions. Il y a beaucoup de légèreté dans le portrait de cette famille. L’autrice garde une distance amusée avec ce qui façonne notre lien aux autres. Mais cette distance s’effrite progressivement, et ce qui semblait être drôle et inoffensif devient un terreau d’isolement et d’enfermement. L’émotion et la gravité nous saisissent délicatement mais fermement, pour au final ne plus nous lâcher.
Rompre le cycle les silences
Chacun est une synthèse complexe d’une histoire collective, familiale et individuelle, histoire souvent transmise en partie inconsciemment ou sous forme de non-dits. Cette absence de mots dans la culture que nous héritons fige certains modèles que chacun reproduit malgré-lui, puisque jamais ouvertement interrogés. Ce silence est aussi un espace infini à fantasmes, ou chacun projette ce qu’il croit être la réalité.
Dans le progressif effacement d’Emma, qu’est-ce qui relève réellement du monde dans lequel elle vit et qu’est-ce qui relève de ce qu’elle fantasme de ce monde-là.
La bouleversante scène finale de la pièce où Nina, la fille d’Emma, brise enfin le silence qu’on lui a imposé, semble suggérer que d’autres modèles et d’autres mondes sont possibles.
Ceux qui se sont évaporés est un chant qui célèbre l’unicité de chaque être, son mystère et sa singularité.
Conserver le texte original
Écrite en québécois, j’ai fait le choix, à quelques détails près, de ne pas l’adapter et de ne surtout pas demander aux comédiens de reproduire les sonorités de la langue originale. Le québécois devient ainsi une langue théâtrale en soi, que l’on peut mâcher, s'approprier, faire sienne. Aux acteurs de trouver leur phrasé, leur souffle, leur rythmique pour permettre à cette langue de se déployer pleinement. Une étrangeté magnifique, poétique et théâtralement très riche.
C’est pour cette raison que j’ai demandé au musicien et compositeur Cyril Romoli de m’accompagner dans la direction d’acteur, pour inventer avec les comédiens cette langue unique au spectacle.
Un dédale composé de
transparence et d’opacité
Pour la scénographie, avec le vidéaste Bastien Capela et la créatrice lumière Lucie Joliot, nous sommes en train de rêver à un dédale composé de matières translucides, avec différents niveaux d’opacité. Nous souhaitons prolonger l’espace de jeu par une forme de labyrinthe où nous pourrions faire disparaitre progressivement les corps, alors même qu’ils sont dans une réelle proximité. Ce dédale deviendra également surface de projection et de décomposition d’images et de texte, notamment pour les parties plus oniriques. À l’image de l’écriture qui multiplie les formes narratives et brouille les perceptions, nous souhaitons également explorer cette dimension dans la scénographie.
Fabian Chappuis
Un disparu revenu
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Distribution
Il y a Emma ; une femme dans la jeune trentaine : Elisabeth Ventura
Il y a Nina, la fille d’Emma ; elle grandira : Chloé Ploton
Il y a la mère Anne Coutureau
le père Laurent d’Olce
le copain Olivier Martial
les amis, les autres Camillle de Sablet, Benjamin Penamaria,
ceux qui font en sorte que Emma se constitue en tant qu’Emma.
Il y a les possibilités. Ce qui n’est pas identifié. Ce qui existe de façon prévisible ou imprévisible. Il faut en faire ce que l’on veut.
Équipe de création
mise en scène et scénographie Fabian Chappuis
collaboration artistique Taïdir Ouazine
lumière et collaboration scénographie Lucie Joliot
vidéo Bastien Capela
musique Cyril Romoli
construction structure métal Arie Hogendoorn
presse Isabelle Murarour et Jean-Philippe Rigaud
Diffusion Elodie Kugelmann +33 (0)6 62 32 96 15
Production Compagnie Orten, coproduction Théâtre Victor Hugo, scène des arts du geste de Bagneux / EPT Vallée Sud Grand Paris, avec le soutien du Théâtre Paris Villette, de Oui - Festival de théâtre en français de Barcelone, de l'Adami et la participation artistique du Jeune Théâtre National. Accueil en résidence Grand Parquet, maison d’artistes du Théâtre Paris-Villette, Maison du Théâtre de la Danse d’Epinay-sur-Seine, Chaudron du Othe-Armance Festival, Maison du Conte de Chevilly Larue. Remerciements à la Compagnie du Catogan.
Le texte sera édité pour la France aux Éditions Les Cygnes
Quelques dates
24 mars 2022 : Sortie de résidence au Théâtre Paris-Villette
16 septembre 2022 : Présentation de maquette au Théâtre Paris-Villette
18 janvier 2024 : Avant-première Grand Parquet / Théâtre Paris-Villette / Paris
25 et 26 janvier 2024 : Ouverture Festival OUi / Barcelone
4-27 février 2024 : Théâtre de Belleville / Paris
16 mai 2024 : Théâtre Victor Hugo / Bagneux