À la fois cruelle, drôle et bouleversante, Andorra est une mise en lumière des mécanismes sournois de la haine et de l’exclusion. Un portrait acide et sans concession de ces « petites gens » qui les attisent et les propagent mais aussi de ceux qui en deviennent les victimes expiatoires. Écrite en 1961, la pièce est un formidable appel à la vigilance, à la résistance, au refus de l’obéissance aveugle et résonne encore aujourd’hui de toute sa vérité.
Photos Lorent Perrin & Bastien Capela
Résumé
Dans un petit pays fictif, un jeune homme meurt au nom d’une identité qui n’est pas la sienne. Comment cela a t-il pu se produire ? Débute alors une enquête / reconstitution, à la découverte de ce pays et de ses habitants.
Ce jeune homme, c’est Andri. Un jeune juif que le maître d’école aurait, selon la version officielle, courageusement adopté pour le sauver de l’Etat voisin qui le persécutait. Mais l’acte, jugé héroïque par la population est très vite perçu comme dangereux et compromettant lorsqu’une menace d’invasion se précise… Là, cette même population se dit qu’il vaudrait peut-être mieux rendre cet encombrant réfugié.
À coup de petits mensonges, d’arrangements, de compromissions et de fantasmes, les habitants, grandioses de mauvaise foi et affligeants de lâcheté, vont sournoisement fabriquer leur ennemi …
Un petit souci toutefois : le garçon se révèle très vite ne pas être juif du tout…
Sur le plateau, trois pans de murs noirs mobiles, qui dès le début de la représentation seront peints en blanc. Ils deviendront une rue, une place, l’intérieur d’une maison, un chemin de fuite, un écran… Un travail de troupe choral, précis et exigent, pour porter cette histoire, à la fois vivante, rythmée, émouvante et violente.
Bien sûr, ce que dénonce Andorra est d'une très grande gravité. Mais sa forme, avec notamment le portrait des villageois - grandioses de mauvaise foi et affligeants de lâcheté - est l'occasion de scènes d'une très grande drôlerie.
Note d'intention
Mécanismes de l’exclusion et de la haine
D’origine franco-allemande, je me suis souvent interrogé sur les monstruosités commises par l’Allemagne nazie. Les pires horreurs ne sont pas uniquement l’oeuvre des puissants, mais aussi des « petites gens » dans leurs lâchetés et compromissions du quotidien. Des écarts, que l’on peut facilement mettre sur le compte d’un contexte extérieur indépendant, mais qui au final constituent un terreau fertile à une haine primaire et violente qui prendra toute son ampleur en cas de crise économique ou politique. La responsabilité de chacun est réelle dans certaines des pires horreurs commises collectivement.
La littérature germanophone d’après guerre a décortiqué les mécanismes de la haine qui ont mené - entre autre - au génocide juif, en identifiant leurs naissances dans ces actes du quotidien. Cette littérature est à la fois une tentative de compréhension (si cela est possible…), mais surtout un appel à la vigilance pour les générations futures.
L’Europe et la France d’aujourd’hui reproduisent certains de ces mêmes mécanismes : la recherche d’un bouc émissaire pour nos maux, la justification d’un racisme assumé, la considération de l’étranger ou de celui qui est différent comme menace et responsable de notre incapacité à réinventer le monde dans lequel nous vivons. Croire qu’une minorité a le pouvoir de faire échouer une société, c’est surtout nier notre propre responsabilité à cet échec.
Aujourd’hui, le Juif d’Andorra pourrait avoir bien d’autres identités… Mais, la mécanique est restée la même.
Andorra, malheureusement, surprend toujours aujourd’hui par sa justesse et sa pertinence. Il est donc important de réentendre un texte comme celui-là, pour cet appel au refus de la haine.
Scruter l’intime
Plutôt que de chercher les origines de cette haine dans un contexte culturel, social ou économique, Max Frisch va scruter l’intime de chaque individu, pour y déceler les échecs, frustrations et souffrances, qui projetés sur celui qui est différent ou en situation de faiblesse, deviendront exclusion, rejet puis haine.
Attribuer à l’autre ses propres défauts, le rendre responsable de ses propres échecs, permet non seulement de se dédouaner de toute responsabilité, mais aussi de s’exorciser de ces souffrances. Andri deviendra malgré lui ce révélateur du dégoût de soi.
C’est démultipliés à l’infini que ces mécanismes deviennent une monstruosité, mais ils sont, à leur naissance, très humains, trop humains. Ce texte nous met face à nous même, et nous interroge sur ce que nous portons en nous, et sur notre vision des autres.
C’est cet axe de travail que j’ai choisi pour monter Andorra.
Documentaire théâtral
Sans modifier fondamentalement la structure de la pièce et sans procéder à une modernisation excessive du contexte d’Andorra, je souhaite que le spectacle prenne tous son sens dans ses résonances avec aujourd'hui.
Sorte de documentaire théâtral, le temps de la représentation sera la reconstitution d'un fait divers qui a eu pour conséquence la mort d'un jeune homme. Débute alors une enquête qui remonte le fil des événements jusqu'à cette mort.
Une histoire vivante, burlesque et émouvante.
Sur le plateau, trois pans de murs mobiles, qui dès le début de la représentation seront peints en blanc. Ils deviendront une rue, une place, l’intérieur d’une maison, une ligne de fuite, un écran… Un travail de troupe choral, précis et exigeant, pour porter cette histoire, à la fois vivante, rythmée, burlesque, souvent drôle, émouvante et violente.
Cette reconstitution est entrecoupée (comme dans le texte original de Frisch) par les témoignages de certains des protagonistes, qui déclinent à l'infini leur absence de responsabilité dans ces faits. Si le contexte historique n'est pas marqué sur le plateau, les témoins (présents sous forme de documentaire vidéo) eux sont bien ancrés dans la France de 2015.
Débute alors un dialogue entre un texte de 1961 et la France d'aujourd'hui, entre des comédiens qui jouent les personnages d'une fable et les vrais protagonistes, entre la réalité d'un meurtre collectif et sa justification à postériori.
Bien sûr, ce que dénonce Andorra est d'une très grande gravité. Mais sa forme, avec notamment le portrait des habitants - grandioses de mauvaise foi et affligeants de lâcheté - est l'occasion de scènes d'une très grande drôlerie.
Fabian Chappuis
Bande annonce vidéo
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Réalisation Quentin Defalt
Distribution
Alban Aumard Le Docteur
Anne Coutureau La Senora
Romain Dutheil Andri
Stéphanie Labbé L’Aubergiste
Hugo Malpeyre Le Soldat
Laurent d’Olce Le Maître d’école
Loïc Risser Le Prêtre
Marie-Céline Tuvache La Mère
Elisabeth Ventura Barbeline
Eric Wolfer Le Menuisier
et les témoignages de Jean Patrick Gauthier, Philippe Ivancic, Gaëtan Peau, Benjamin Penamaria, Philippe Perrussel, Paula Brunet Sancho, Vincent Viotti.
Production Compagnie Orten, Coproduction Théâtre de Bagneux, avec le soutien du Festival d’Anjou - Prix des compagnies 2013, d’ID Production, d’Arcadi Île-de-France, de l’Adami, de la Spedidam, de Tolomei, de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et du Théâtre 13 / Paris.
Equipe de création
Traduction Armand Jacob. L’Arche est agent théâtral du texte représenté.
Adaptation, scénographie et mise en scène Fabian Chappuis
Assistant à la mise en scène Emmanuel Mazé
Musique Cyril Romoli
Chorégraphie Yann Cardin
Lumière Florent Barnaud
Vidéo Bastien Capela & Quentin Defalt, Régie vidéo Ludovic Champagne
Costumes Maud Berthier et Domitille Roche-Michoudet
Masques Sébastien Puech
Construction décor William Defresne & Thierry Ortie (Comme sur un plateau)
Administration François Nouel
Diffusion Isabelle Decroix
Presse Jean-Philippe Rigaud
Adaptation éditée aux Editions Les Cygnes
collection Les Inédits du Théâtre 13
Extraits de la revue de presse
Le jeune Fabian Chappuis met en scène Andorra, fable tragique composée en 1961. Peu jouée en France, la pièce étincelle d'échos très actuels avec des interprètes subtils. Un spectacle en tous points accompli. (.../...) Il y a dans Andorra, telle que la monte Fabian Chappuis et telle que les comédiens la jouent, quelque chose d'une saveur poétique très particulière. On rit souvent. Les habitants d'Andorra sont coloriés comme des petits hommes ordinaires. Faibles, égoïstes, lâches, xénophobes, antisémites et cruels. Seuls Andri et sa sœur Barbeline (Elisabeth Ventura) ont des prénoms.
(.../...) Cette humanité ordinaire fait les tragédies extraordinaires. Sans projeter le moindre calque, Fabian Chappuis nous parle évidemment aussi d'aujourd'hui. Il excelle à diriger les interprètes, très bien distribués. Chacun mériterait une longue analyse car les incarnations sont subtilement conduites, telle celles du père alcoolique ou du prêtre ou de Barbeline sensible et tendre. On l'a dit, Romain Dutheil est particulièrement convaincant. Il est juste, sensible, sans excès pathétique. Bref, une excellente soirée. Armelle Héliot - Le Figaro
Tragique et bouleversante. La mise en scène de Fabian Chappuis, très sensible, est dépouillée comme le préconisait Max Frisch. Tragique et bouleversante, la pièce a néanmoins des versants comiques avec les scènes notamment entre le Docteur, un fieffé raciste et Andri. Les comédiens de la Compagnie Orten la jouent de façon très vivante. Cette pièce qui a nécessité une longue genèse – le scénario date de 1946 mais la rédaction de la pièce ne fut achevée qu'en 1961 - nous interpelle intimement. Nous le savons, ces Andorriens qui font si bonne figure, nous pouvons en faire partie, ne serait-ce que par notre silence ! Evelyne Tran - Le Monde.fr
On aime beaucoup (TT). C'est vif, astucieux. Les dix comédiens forment une belle équipe. Un spectacle d'actualité. Sylviane Bernard-Gresh - Télérama
Le Théâtre 13 présente une pièce formidable et effrayante. Le texte comme la mise en scène frappent par leur justesse et leur pertinence. La haine est traitée par le biais de l’individu, de l’intime. Ce n’est pas la société qui est montrée du doigt mais ceux qui la composent. Et à travers leurs faiblesses, leurs échecs, leurs ressentiments, la haine naît et s’installe dangereusement. Andorra replace l’humain au cœur de ce qu’on a trop souvent qualifié de mécanisme politique, despotique et calculatoire. L’apport de Fabian Chappuis est considérable dans la modernisation et la résonnance de la pièce avec les événements récents qui font l’actualité. Ce documentaire théâtral est à la fois nécessaire, brutal, émouvant et cruel. A voir absolument ! A nous Paris
Un jeu d'un naturalisme vibrant. Une mise en scène épurée, servie par un jeu d'un naturalisme vibrant, ponctué de belles embardées oniriques.(.../...) De Romain Dutheil à Alban Aumard (savoureux docteur, grotesque dans sa pédanterie), en passant par Stéphanie Labbé (excellente en aubergiste), les dix comédiens sont à la hauteur de ce pari. Ils nous ravissent autant qu'ils nous plongent dans l'effroi. Anaïs Heluin - Time out
Quelques dates
5 janvier - 14 février 2016 : Création au Théâtre 13 / Paris
11 mars 2016 - Théâtre Victor Hugo / Bagneux
15 mars 2016 - Espace 93 - Victor Hugo / Clichy sous Bois
26 mars 2016 - Théâtre Le Parc / Ribeauvillé
25 mars 2017 - Théâtre Pierre Fresnay / Ermont